Pifarély pirate

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Des fois il se moque de moi, mais c’est surtout contre le trac, de m’occuper avec l’appareil-photo, eux les musicos ils ont plein de trucs techniques à préparer, mais moi pour le texte rien que la balance micro c’est tout.

Encore pas mal de réserves dans mes archives, par exemple, l’enregistrer dans ces heures d’avant-jouer, en douce, dans les loges, quand il nous fait Whole Lotta Love, ou tout le répertoire Grappelli (et pas l’embêter sur le respect dû), ou Jean-Luc Ponty, ou les biguines du père d’Eddy Louiss, ou une bourrée d’Auvergne mais faut voir comme, ou un reel irlandais etc. Puis son rituel de se mettre seul dans un coin d’ombre, jouer de mémoire, on reconnaît du Haydn, du Isaÿe, du Bach. Après, en concert, plus rien que la matière tendue et disloquée, les récurrences, ce qu’on appelle Pifarély.

Alors merci de l’invitation, on glissera ici du Pifarély pirate…

Voir aussi sur tiers livre petit récap Pifarély invente la mandoline, ou la préparation de En route vers l’homme, ou d’autres fois en binôme, comme dans Jazz au fil de l’Oise

Et peut-être les autres musiciens, ceux que je ne connais pas (Vincent Courtois, Louis Sclavis ? !) et ceux que je connais (Cornelupus, Eric G, F Couturier…) : vous accepterez l’invit de Dominique a écrire chez lui ? Je fais la hotline – et ça vous familirisera avec le blogging a-chromatique !

Petit son de réserve, cliquer pour écouter : Bon/Pifarély _ un fragment de Henri Michaux (je sais même plus où c’était, date vers novembre 2006, effets électroniques rétrospectifs, pour compenser la prise amateur – question : l’invention qu’il doit tenir, parfois ainsi sur 10 minutes, sur un texte seulement narratif…).

Et photos pour finir (pirate aussi) : en haut, Pifarély et sa mandoline, Bagnolet, décembre 2008 et ci-dessous Pifarely’s team – Virgine Crouail, administratrice & productrice, et Thierry Balasse, studio La Muse, avril 2008.

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François Bon

Henri Michaux | ascensions infinies dans l'abstrait

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La musique, dans notre espèce humaine, propose un modèle de construction, et en construction, net, mais invisible. Un montage en l’air. Ce montage n’est pas à voir, ni même à concevoir ou à imaginer. Il est à parcourir.

L’oeuvre est un ensemble de trajets, un parcours en lignes brisées. Chaque trajet est sensible, sauts, chutes, montées, descentes jamais vagues, toujours mesurables. On évite les petites unités, la fluidité des passages. (On n’emploie pas le huitième de ton.) Perchoirs précis, préfabriqués, en nombre limité.  Appréciation des trajets. Descentes et montées, ascensions infinies dans l’abstrait. (Le seul voyage intelligent : l’abstrait.)

La hauteur des sons présente les trajets verticaux  – une passion d’ascensions – et le temps, qui apparaît en coulées, en mesures, ou en rythme et en vitesses différentes, présente les trajets horizontaux. Mais toujours trajets. On ne saisit pas la structure musicale sans suivre des trajets. qui vous déplace le plus constamment, qui rend sensible aux places, aux changements de place et qui les provoque dans le corps, les bras, les pieds. Le rythme à lui seul suffit pour vous faire « marcher », et danser, cependant que les timbres qui résonnent vous soumettent à un ébranlement confus né de vibrations, le son fait son œuvre de vibrations. Il remue.

Musique, art du comportement, quoique sans références au monde physique extérieur. Trajets et passages, rien de mieux pour exprimer une attitude. Une façon non d’être, de vivre, de se sentir vivre  quoi de plus communicable ? Huit minutes de musique folklorique en disent plus sur un peuple inconnu que cent pages de notes et de relevés.

Ainsi vous amène-t-elle tout naturellement à une identification, et à l’illusion d’un transvasement d’être à être.

Henri Michaux, De la musique (extrait). Photos : en haut Carré Bleu, Poitiers, 26 novembre 2008, et ci-dessous Nantes, Pannonica, 20 mars 2008, loges.

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