21 avril 2012, Poitiers, lecture Claude Favre et Dominique Pifarély
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et maldonne des évidences qui se vautrent à voir peu d’alibi et carnaval triste qu’on croit juste besoin que c’est l’air traduit du réel mais quoi c’est les musiques d’ambiance prothèses de sécurité et même pas sûre qu’elle soit verte l’herbe de ma vallée/
oubliés les promesses les déboires on a les accessoires qu’il faut tels avec leur fatras d’espoirs ces morts dans les contes se réveiller impitoyables ameutant chienneries de bien même plus besoin belles pensées de se présenter tout peut toujours recommencer/
mars 38 à Vienne ou à venir idées cardinales de haines quêtes et crispations on dit origines et à présent pas dépassée par trépassés en rites offices formules le corps sert le projet ou l’inverse c’est hygiénique d’appel au bon sens de ce bon peuple et bon sang comme jeunesse ton espoir radieux ne saurait mentirLe 21 avril, les mots de Claude Favre résonnent. Le lendemain 22 avril, ils résonnent toujours. Et les jours d’après. Comme résonnent les poètes. Rien n’est plus inscrit dans la vie que la poésie.
Dans le gris du monde. Elle n’embellit pas ce gris, ne le pleure pas, ne le déplore pas, mais le trame malgré lui, malgré tout, car gravée dans la vie.
Claude Favre en atelier de lecture avec musique : sérieuse, calme, douce, constamment dans le texte et dans l’instant. Les lecteurs (étudiants en lettres, pratiquant également l’atelier d’écriture avec François Bon) se laissent approcher, s’approchent à pas comptés des musiciens qui, eux, rejoignent le texte dans une langue qu’ils découvrent en l’inventant. Et me posent une question inattendue : comment lire, parler le texte avec l’instrument, et improviser sa propre langue ? Très concrètement, lire et jouer en même temps. Ils pointent ici la difficulté à faire co-exister deux niveaux de langue, ou deux langages, avec ce désir de leur donner égale importance discursive. Les excellents musiciens qu’ils sont, rompus à toutes sortes de situations musicales, peinent — de prime abord — à lire, entendre le sens, et conduire leur propre discours fait de sons. La latitude laissée à l’auditeur, habiter librement l’objet proposé, ni simplement texte, ni simplement musique (pour peu que celle-ci ne soit pas simple illustration, paysage ou ambiance, ce n’est évidemment pas notre propos), n’est pas offerte à l’improvisateur, qui doit construire sa narration en parallèle à la forme et au sens du texte. Nouvel exercice de gymnastique mentale, qui nous propulse dans le réel et la profondeur de champ de l’improvisation.
à observer et de taille et d’estoc tant pis ainsi ce désespoir
images pour news et bonnes consciences Calcutta l’Algérie si exotiques dignes comme on les aime pauvres mères si douloureuses belles t’as vu la photo belle hors notre champ et aussi des corps des amas de corps des charniers
Claude Favre en lecture : sérieuse, attentive, calme et pleinement engagée, à l’écoute. L’écriture, la lecture, comme toujours pour ces auteurs qui prennent à bras le corps et au sérieux la vocalité, qui travaillent à porter eux-même leur propre langue, sont si intimement liées que l’improvisation, ou le geste verbal, sont la vivacité du texte.
Ce soir du 21 avril 2012, les mots résonnent.
le mot hiatus s’entr’ouvre du latin mais d’origine obscure tous les espoirs sont permis tiret de la phrase ça annonce problème au promontoire d’où le plongeon tous les espoirs sont permis
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“L’écriture de Claude Favre est un défi à propagation numérique. Il faut le relever : la poésie prend sa force de sa précision, de son exigence rythmique, et bien longtemps que cela se traduit par l’appropriation graphique de la page, à la lettre près, et dans la musicalité du blanc, que la typographie imprimée fixait dans son objet, tandis que le numérique le confie au lecteur” (François Bon). On peut trouver les textes de Claude Favre sur publie.net, et d’autres sur le site littéraire remue.net.
L’atelier lecture/musique était organisé par Archipels-Cie Dominique Pifarély et l’association culturelle de l’ UFR lettres et langues de l’université de Poitiers (grand merci à Martin Rass et Virginie Crouail), avec l’aide du CFMI de Poitiers. Les participants-lecteurs suivent par ailleurs, à la fac de lettres, des ateliers d’écriture dirigés par François Bon, et dont les travaux sont publiés sur leurs blogs respectifs, réunis ici.
Merci au Plan B d’avoir accueilli notre lecture.