dispersion

echancrureOn pouvait choisir sa destination. La durée, c’était un an, deux ans, pas plus de trois. Ou seulement un mois. Certains partaient vers un climat radieux, d’autres choisissaient une météo plus rigoureuse, comme la concentration qu’ils y cherchaient. Ou alors ce qui importait, c’était les rencontres espérées, ou au contraire l’isolement, l’incognito requis. Grandes métropoles, îles perdues, repaires de montagne, fermes isolées, villes moyennes, villages, faubourgs ; cabanes de pêcheur, abbayes cisterciennes, villas retirées, chambres de bonne, hôtels de bord de mer, appartements de banlieue, bungalows. Une chambre d’hôte dans une ferme de Petäjävesi, en Finlande centrale ; un appartement à Copenhague ; une chambre d’hôtel troglodyte à Matera, Basilicate, Italie ; un studio (avec terrasse) à Rabat ; à Berlin, une pièce d’un appartement collectif ; une surface dans les anciens docks de Red Hook (Brooklyn), clapotis au ras des portes ; une place dans un silo désaffecté, modestement retapé, quelque part au sud de Madrid ; une chambre en demi sous-sol à Vancouver ou un logement universitaire à Québec.

Tous, bien sûr, ne partaient pas. Assez nombreux, de fait, ceux qui préféraient rester, d’ailleurs, il n’y avait pas de censure à proprement parler, non, alors tout avait encore l’apparence du possible.

Comment parler de la privation de sens, en musique ? Comment dire cette impression que les sons ne parviennent plus à destination, qu’ils sont arrêtés, ou trahis, mais par quels filtres, quels subterfuges ? Ou plutôt, comment rendre compte de l’impossibilité croissante à donner du sens à quelque chose qui n’indique qu’une direction ?

Il s’agissait de ne pas devenir comme eux, qui souriaient froidement. Alors, ces voyages (retraites, villégiatures, exils, explorations, …), c’étaient évidemment des chances. Des possibilités entrouvertes de reprendre pied, travailler. De revenir, dans la plupart des cas.
Car ça ne durait pas, bien sûr. Mais ce temps, ces espaces, on en avait besoin, c’était là que tout se jouait, que tout pouvait enfin se jouer.

joue

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