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création, diversité, bon sens, et bons sentiments

Je tombe sur le lien suivant, sur France 24, et les erreurs, approximations et autres signes néfastes y abondent, évidemment : “longue concertation”, “favoriser la création et la diversité”, “C’est du bon sens” (Pascal Nègre), “la problématique essentielle, c’est le financement”, (le directeur général du Snep — producteurs de disque, dont les quatre majors), “tous les acteurs du secteur [ont] déjà été auditionnés sur le sujet pendant plus d’un an”, “Le travail de Mme la ministre est d’aller chercher l’argent” (Jules Frutos, entrepreneur de spectacles)… Bon, on sait tout ça : la filière, comme ils disent, c’est la filière commerciale (majors companies, boites de production…), bref, tout sauf les artistes. 

Mais la machine médiatique est en marche, apparemment. Pas d’illusion : ça va se faire. Sans nous, ou à nos dépends ? Sans nous, ça me va. A nos dépends, c’est un peu différent.

En gros, tout se fait sans nous. Les scènes nationales ? De l’industrie culturelle d’état. Très bien, il faut assumer les nouveaux équipements, on fait appel à ce qui remplit les salles de 1000 places et plus, la culture (de qualité, bon) pour (upper) middle class (mes étudiants à Poitiers n’osent pas poser un orteil au TAP, scène nationale, trop cher — merci Malraux, salut à Vitez). Tout ça se fait sans nous, désormais, et pourquoi pas ? Il faut simplement que ces institutions l’assument et que nous le sachions. Les festivals ? Ah, sujet délicat, mais qui participe du même système. On en reparlera, bien sûr, et calmement, j’espère. Si on sait tout ça, tout va bien. On survit.

A nos dépends, ça veut dire que nous serions définitivement bannis de… de la vie musicale. Plus question de survie. C’est ce qui se dessinait pendant les derniers mois politiques (on passe sur les dernières années), la culture c’est nous c’est pas eux, avec toujours les mêmes rengaines volontaristes pondues par les mêmes acteurs (de gauche) du dispositif (les patrons de l’industrie d’état), relayées par les mêmes militants (de gauche) confits de sincérité.

Alors pourquoi ne pas entériner cet ordre des choses, en disant, nous n’en faisons pas partie, ça n’est pas notre monde, notre sphère d’évolution, nous savons “vivre de miettes” (Patrice Caratini), nous savons aller vers les gens, jouer, créer, transmettre, communiquer. Et dans ce cas, nous ne serions plus dépendants de ce qui ne nous convient plus, qui n’est plus fait pour nous, sans nous lamenter. Nous dirions, prenez en compte notre existence, cette existence artistique qui n’entre plus dans vos cadres (pas grave), les grilles de lecture ont changé, et l’institution n’est plus simplement à la traine, qui impose à présent passeports, visas, attestations d’origine, permis de séjour, carnets de vaccination et casiers vierges.

Il faudrait l’imposer, certes. L’affirmer, l’organiser. Je ne sais pas comment. Ca nous appartient, comme notre musique. A moins de vouloir jouer avec Pascal Nègre et consorts.

Sommes-nous prêts ?

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sous la lumière d'Icare

Samedi 16 juin, Mike Westbrook me disait son plaisir à répéter et jouer avec l’orchestre qu’il vient de monter chez lui, dans le Devon. Depuis notre première rencontre, en 1984, pour la création de “On Duke’s Birthday” à la Maison de la Culture d’Amiens, je suis impressionné par la douceur, la modestie, la richesse qui se dégagent de l’homme et de sa musique. C’était en tous cas une résonance inattendue avec le premier concert de l’ensemble Icare, la veille à Poitiers.

Modestie, engagement, sérieux et bonheur de jouer : je n’en doutais pas, les écoutant et les regardant depuis les coulisses — plaisir inédit, et immense, de les laisser se lancer. Ci-dessous, les quatre morceaux joués ce soir-là (et encore merci à Alexandre Benoist, technicien et filmeur du CFMI…).




prochain stage : Poitiers, 9-10-11 juillet

stage juillet 2012

 

Poitiers – 15/06/12 – Cap Sud – L'ensemble Icare. 1ère partie : étudiants de 1ère année du CFMI de Poitiers – France

l’envol d’Icare

Avec le soutien indéfectible de Jazz à Poitiers, et en partenariat fidèle avec le C.F.M.I. de Poitiers :

Icare, premièreEn première partie, les étudiants de 1ère année du CFMI. Quelle meilleure réponse, on le répète tous les ans, à l’abaissement du désir d’art, de musique, de culture, que le travail de ces musiciens-intervenants ? Ce sont eux, en effet, qui iront porter auprès des enfants (mais aussi des amateurs) la vérité du geste musical, l’ouverture aux réalités les plus diverses de la musique, l’idée qu’il est possible, et nécessaire, de vivre des expériences esthétiques multiples, inattendues, intempestives, singulières, personnelles, loin des injonctions de l’industrie.

Témoignages des années précédentes ici, ici, et ici.

Icare est un désir ancien, né des rencontres avec de jeunes musiciens, anciens étudiants du CFMI ou participants des stages qu’Archipels organise à Poitiers depuis plusieurs années. A vrai dire, ils m’ont aussi gentiment sollicité, ce qui fait d’Icare leur orchestre, vraiment. “Amateurs”, pour ce qui les concerne, est un mot très insuffisant. Ce sont tous des musiciens engagés, certains encore en formation, d’autres exerçant le métier de musicien-intervenant, justement — justifiant ainsi pleinement le terme musicien dans l’intitulé de leur fonction —, d’autres encore pratiquant des esthétiques différentes et se frottant là à l’improvisation, ou de vrais “grands” amateurs, pour qui la musique est (simplement…) partie intégrante de leur vie.

Alors le plaisir qui est le mien de travailler avec eux est inestimable : juste faire de la musique.

A quoi sert donc une politique publique de la culture si son objet n’est pas d’abord de constituer un bastion de résistance aux forces de destruction de l’esprit, un havre d’humanité face aux périls linguistiques, identitaires ou industriels qui rongent les processus de création ? Or que voit-on ? uUne démocratisation de la culture qui, malgré des préceptes républicains empreints d’idéalisme et de générosité, se fracasse contre le mur de l’individualisme, des égoïsmes et des corporatismes ; une civilisation des loisirs qui nourrit de son économie mondialisée des armées entières d’artistes précarisés, pendant que des militants associatifs créatifs s’épuisent à quémander quelques milliers d’euros à des collectivités condescendantes, lesquelles exigent en retour allégeance et reconnaissance. Jean-Michel Djian, “Politique culturelle : la fin d’un mythe” (Gallimard, Folio).

Ce concert est dédié à ceux, militants associatifs ou pas, qui œuvrent à libérer la musique de toute instrumentalisation, commerciale ou institutionnelle : Matthieu, Mathilde, Miké (Jazz à Poitiers), Christophe, Sylvie, Laurent, Alex ( CFMI), Virginie (Archipels), Etienne (Cap Sud).

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P.S. : au fait, pour les esprits chagrins même si cultivés, on signale que de grands progrès ont été réalisés quant à la fabrication des colles ; on ne craindra donc pas que les ailes de cet Icare-là se détachent quand ses membres approcheront le soleil…

Charles Paul Landon - Dédale et Icare
Charles Paul Landon – Dédale et Icare